Le Sénégal: histoire et géographie

L'Avant Colonisation
        L'empire du Dyolof
        Le royaume du Walo
        Les royaumes du Cayor et du Baol
        Le royaume du Tekrour
        Les royaumes du Sine et du Saloum
        L'empire du Ghana
        L'empire du Mali
        L'empire du Songhaï
        La Colonisation

The name 'Sénégal' is said to come from the Wolof name of the dugout canoe, as it was mispronounced by visiting Portuguese sailors in the middle of the 15th century. Sénégal is the African country closest to the US, and Gorée Island used to be the last spot of the motherland the unfortunate slaves bound to the Americas could see.

Sénégal has been continuously inhabited for more than 150,000 years. The first state, Ghana, appeared on the northern bank of the Sénégal River, expanding slowly towards the South and the West. Different political entities succeeded before the arrival of the Portuguese in 1445. Around the 1510s, the Portuguese occupied an island on the coast, Gorée. Soon the Dutch, the French, and the British followed. The competition was fierce, especially between French and English.
    In 1659, the French settled the island of Saint-Louis at the mouth of the Sénégal river, taking an edge over the competition. Moving by pulses, the Europeans eventually colonized the whole country by the late 1880s, the British keeping the lower valley of the Gambia River, today's Republic of The Gambia. Sénégal was a centerpiece of French colonial rule in Africa. It was the oldest colony. Saint-Louis, succeeded in 1902 by Dakar, was the headquarters of French possessions in Black Africa. Finally, it sheltered the most numerous European community in West Africa, while a sizable number of Senegalese enjoyed full

L'EMPIRE DU DYOLOF

    Le pays wolof connaît après le XIVe siècle une unification politique autour de l'empire qui porte son nom, le Dyolof. Au XVIe siècle, il se disloque en quatre provinces, le Dyolof proprement dit, le Walo, le Cayor et le Baol.
    Les Wolof qui s'étendent depuis Saint-Louis jusqu'au sud de la presqu'île du Cap-Vert sont signalés pour la première fois par Ca Da Mosto, au milieu du XVe siècle. Selon les voyageurs,ils sont appelés tantôt Galaff ou Gelafa ou Galofes, tantôt Iolofes ou Jaloffs ou Iolof, tantôt Guiolof Cette appellation viendrait, dit-on, du nom du fondateur du premier village du Dyolof,d'origine mandingue, Dyolof Mbeng.
Les Wolof, venus du nord-est, imposèrent une structure sociale, divisée en castes et comprenant, de la même façon qu'au Fouta-Toro :
    - les nobles ou garmi et les dignitaires ou chefs de province (kangamé) ;
    - les roturiers ou diambour, composés surtout de paysans ou baadolo, mais aussi de marabouts ou sérigne (sérign), souvent d'origine toucouleur ou mandingue;
    - les nyéno ou gens de caste, artisans, bijoutiers ou forgerons (tög), sculpteurs sur bois (laobé), cordonniers (uudé), tisserands (raba), enfin griots (gewel);
    - les esclaves ou dyam, en particulier ceux de la Couronne qui étaient souvent des guerriers ou tiédo.

    Cette société, à la différence des Toucouleur, fut islamisée tardivement. Sa création est liée à un personnage légendaire, Ndiadiane Ndiaye. La légende raconte que Ndiadiane Ndiaye vécut d'abord dans le Walo dont il fut nommé chef par un peuple émerveilléde ses prodiges. Mais il dut bientôt s'enfuir à la suite d'un complot tramé contre sa personne et se réfugier au Dyolof. Il en devint le premier roi ou bourba Dyolof
    Depuis la fondation qui remonterait aux environs du XIIIe siècle jusqu'à la scission, vers 1540, douze bourba auraient régné, dont le septième semble avoir été cité par le navigateur portugais de Barros en 1481.
    Pendant cette période, l'Empire dyolof aurait vassalisé non seulement ses voisins wolof, mais le Sine, le Saloum et même une partie du Bambouk. Après la division des Etats, trente autres bourba auraient détenu le pouvoir jusqu'à l'époque de la colonisation française, dont quatorze jusqu'à la fin du XVIIIe.
    Le bourba, qui devait appartenir à l'un des quatre patrilignages royaux ou Kôr (Keur) et obligatoirement à l'un des dix matrilignages ou Kheet, était nommé par l'assemblée des grands électeurs, composée de sept notables et présidée par un roturier, le grand Diaraf Il avait sous ses ordres comme principaux notables : les douze chefs des principaux villages ou dyambour, six chefs de province ou Kangame, il était secondé par un vice-roi ou toubé et par son héritier présomptif, le boumi. Mais le personnage principal, après le bourba, restait le grand Dyaraf.
    C'est en 1530 ou en 1549 que le douzième bourba, Lélé Fouli Fak, est tué à la bataille de Danki (au nord de l'actuel Touba, centre religieux des Mourides) par son vassal, le damel (ou chef) du Cayor, Amari Ngoné-Sobel, entré en dissidence à la suite d'une offense personnelle que lui avait fait subir le bourba, alors qu'il venait lui rendre hommage dans sa capitale.
    C'est cette défaite qui consacre le démembrement wolof et qui restreint le Dyolof aux dimensions d'une royauté; son histoire continue à être marquée par des luttes avec le Cayor.

ORGANISATION POLITIQUE

    La vie politique est assez proche de celle du Cayor, avec une organisation sensiblement différente.

Roi ou Brak du Walo

    Autour du brak, nommé dans l'un des trois lignages déjà cités, se trouvent la première épouse, awo, et la mère, soeur ou cousine utérine, linguèr. Le roi gouverne par l'intermédiaire de ses Kangamé, chefs de province, dont le Kady, successeur éventuel du brak, le Briyot, le Badé, le Maroso, et d'autres chefs de région ou de villages de moindre importance, et surtout par son Assemblée, le Seb ag baor, composé de dignitaires, dont les plus importants sont le Dyogomay, maître des eaux, le Diaodin, maître de la terre, le Malo, trésorier.

Reine du Walo

La succession des brak était matrilinéaire, c'est-à-dire qu'elle se transmettait par les femmes. Enfin, le Walo connut plusieurs capitales : d'abord Dyourbel, au nord de Richard Toll, jusqu'au XVIIIe siècle, puis Ndiangué, à l'est de cette même ville, enfin Nder, sur la rive occidentale . du lac de Guiers. Du démembrement du Dyolof allaient naître trois autres Etats, le Walo, le Cayor et le Baol.

LE ROYAUME DU WALO

    Le mot Walo (Oualo) désigne l'ancien delta du Sénégal entre l'Océan et le lac de Guiers, mais aussi le royaume limité par le parallèle 16° 50' jusqu'au lac Rkiz ou Cayar, puis à l'est au-delà du lac de Guiers, enfin au sud, suivant une ligne allant du sud de Saint-Louis jusqu'à Boudi et Sirinké. Voisin des Etats maures du Trarza, au nord, du Cayor, au sud, du Dyolof et du Foula- Toro, à l'est, le Walo s'illustra surtout par des guerres avec les deux premiers, ainsi que par un grand nombre de luttes intestines entre branches dynastiques rivales. Cinquante-deux rois ou brak se seraient succédé entre le XIIIe siècle et 1855.  Un certain nombre de traits essentiels caractérisent cette histoire :
    - l'existence et la lutte pour le pouvoir de trois lignages royaux, les Logar, d'origine maure, les Dyo, d'origine serer ou toucouleur (dényanké), et les Tèdyek, d'origine peul ou mandé,soutenus souvent par les peuples voisins Trarza ou Toucouleur ;
    - le voisinage des Maures qui rend leurs prétentions menaçantes et l'aide qu'ils apportent aux Logar, onéreuse
    - l'islamisation superficielle du peuple et de ses souverains, les brak de la première moitié du XIXe siècle refusant encore d'embrasser la religion de Mahomet, malgré la pressiontoucouleur ;
    - enfin le rôle des femmes dans la vie politique, dominées par la personnalité de la soeur ou de la mère du brak, la linguèr.

Cette vie politique, assez proche de celle du Cayor, repose sur une organisation qui diffère sensiblement de celle du Dyolof . A la fin du XVIe siècle et au début du XVIIe, une longue lutte oppose les Logar et les Tedyek, soutenus par les Toucouleur, lutte au cours de laquelle le trente-cinquième brak est vaincu et doit céder le trône aux Tedyek, qui vont le conserver pendant près d'un siècle. Au XVIIIe siècle, ce sont ces derniers qui, à leur tour, doivent faire face à la compétition des Dyo. Ces guerres intestines déterminent des luttes extérieures : contre le Cayor d'abord, au début du XVIIIe siècle, puis, contre les Maures Trarza, dès la deuxième moitié du même siècle.

LES ROYAUMES DU CAYOR ET DU BAOL

    Situé entre le Walo et le Baol, le Cayor, dont le nom proviendrait de gay-i-dior : « ceux du sable », s'étendait sur 200 km du sud-ouest au nord-est et comprenait plusieurs régions : le Gandiole et le Diambour, au nord, le Guet à l'est, le Diander au sud-ouest, à la naissance de la presqu'île du Cap-Vert. Le Baol correspondait à une étroite bande de terre, s'étendant surtout de l'ouest à l'est, depuis la mer (région de l'ancien Portudal) jusqu'à Touba et M'baké, avec pour centre géographique Diourbel.
    L'histoire de ces deux provinces a souvent été commune, certains damel ou chefs du Cayor ayant régné également sur le Baol, notamment à la fin du XVIe siècle, et plusieurs fois dans le courant du XVIIIe.
    On ne connaît à peu près rien de ces Etats jusqu'à leur scission avec le Dyolof. Jusqu'alors, ce pays était dirigé par des lamane, tributaires du Dyolof C'est en 1549 ou peut-être un peu plus tôt, en 1530, que Detye Fu-Ndiogu, qui prend le premier le titre de damel, et son fils Amari Ngoné-Sobel rompent les liens de suzeraineté, à la suite d'un différend personnel avec le bourba de l'époque Lélé Fuli-Fak, qu'ils tuèrent à la bataille de Danki, au nord de Touba. Amari aurait régné sur le Cayor et le Baol jusqu'à la fin du XVIe siècle.
    Trente-deux damel se seraient ensuite succédé jusqu'à l'occupation fran&iccedil;aise et vingt-quatre jusqu'à la fin du XVIIIe siècle.
    La structure sociale du Cayor était semblable à celle que l'on trouvait au Walo, mais l'organisation politique était quelque peu différente.
    Son histoire fut marquée d'abord, on l'a vu, par les luttes contre le Dyolof. Elle fut dominée ensuite et surtout par les guerres fratricides avec le Baol, dont les chefs, les tègne, étaient apparentés aux damel. Ainsi, au XVIIe siècle, le Cayor essaya vainement de reconquérir cette province, qui avait fait sécession sous le règne du troisième damel, tué par son propre fils.  De même, le huitième souverain du Cayor envahit le Baol, mais fut battu, et ce n'est qu 'au XVIIIe siècle, sous le quatorzième damel, que les deux provinces furent à nouveau réunies jusque vers le milieu du siècle. En dehors des luttes contre le Walo déjà mentionnées, le Cayor eut à mener aussi quelques guerres contre les marabouts, notamment à la fin du XVIIe siècle, sous les règnes des neuvième et dixième damel, et surtout à la fin du XVIIIe siècle, cette fois contre des musulmans, fortement appuyés par le premier almamy du Fouta, Abd-ul-Kadir.
    Sous le règne d'Amari N'Goné N'Della Koumba, vingt-quatrième souverain, le peuple lébou de la presqu'île du Cap-Vert, lassé par le despotisme de ce dernier, fit sécession sous la conduite d'un de ses chefs de village, Dial Diop, qui se retrancha à l'extrémité de la presqu'île, derrière Thiaroye et M'Bao, et repoussa toutes les attaques des forces du Cayor. En 1812, l'indépendance des Lébou était reconnue.
    On trouvait toujours à la tête de l'Etat le souverain, le damel et la linguèr, soeur ou mère de ce dernier, souvent puissante, tous deux nommés parmi l'un des sept matrilignages royaux. Après eux, un certain nombre de dignitaires, gouverneurs et chefs de régions, ainsi que le chef des esclaves royaux formaient l'essentiel de l'Assemblée, chargée de nommer les damel. Tous ces fonctionnaires étaient généralement choisis en fonction de leurs qualités guerrières, ce qui valut au Cayor et à ses hommes une prestigieuse réputation militaire.
    La société comportait au sommet les nobles, nés des sept grandes familles royales à succession matrilinaire. Le Damel conserve un pouvoir de type.magique qui se marque par le fait que le jour de son intronisation à Mboul la capitale, il reçoit le turban ainsi qu'un vase de graines, puis séjoume dans le bois sacré de l'initiation animiste. Les linguères, mère, tantes ou soeurs utérines du Damel, jouent un rôle politique important. Certaines n'hésitaient pas à marcher au combat, telle cette fille de Lat Soukaabe, qui habillée en homme, se lança à cheval contre les Maures Trarza et les battit à Gramgram.
    La cour est composée de courtisans (Dag) et de dignitaires (Kangam) dont le Fara Kaba, chef des esclaves de la couronne (et esclave lui-même), est le plus important. Les Kangam étaient réputés pour leur intrépidité : « Fuir est un vice » déclaraient-ils. Les Homme libres (Dyambour «bourgeois» ou paysans baadolo) constituent la population ordinaire mais sans grande influence politique. Viennent ensuite les gens castés selon la vieille division du travail des métaux, du bois, du cuir et du fil et correspondant aux tisserands, aux cordonniers, aux bourreliers et aux bijoutiers et forgerons. Les griots (gêwel), «caste» spéciale, sont ici comme ailleurs rompus à l'art subtil de la raillerie distillée comme un poison ou de la louange répandue comme un parfum capiteux. Ils suivent leur maître souvent sur le champ de bataille comme porte-étendards et savent mourir à ses côtés.
    Mais ce sont les esclaves (dyaam), qui, au bas de l'échelle, constituent le gros de la population du moins dans les villes (12300 sur la population de 16000 âmes à Saint-Louis et Gorée en 1825). Les captifs de case étaient les plus nombreux et se distinguaient peu des hommes libres. En effet, ils étaient considérés comme des fils de la maison, avaient des propriétés, mangeaient avec leurs maîtres. Les captifs de ces captifs avaient eux-mêmes des captifs. Les captifs de naissance, Dyaam-u-Buur-i, appartenant à l'Etat jouaient un rôle de premier plan sous les ordres du Fara-Kaba. Ils étaient parmi les notables les plus proches du roi, et co-signeront avec ce dernier les traités engageant le royaume. C'est parmi eux qu'étaient recrutés les guerriers ou tyeddos. C'étaient des hommes aux cheveux tressés, portant des boucles d'oreilles et bardés d'amulettes, de colliers, de bracelets d'argent. Mais sous ces apparences plutôt féminines, c'étaient des guerriers d'élite. Grands buveurs de tafia et autres alcools locaux ou importés, grands trousseurs de filles, jureurs et pillards chroniques, ils représentaient l'image même de la géhenne pour les marabouts enturbannés. C'est à la tête des tyeddos. que Lat-Dyor, hevalier errant va poursuivre son ardente carrière.

LE ROYAUME DU TEKROUR

    Avant le XVIe siècle, le royaume du Tekrour, situé dans le Fouta-Toro, aurait connu quatre dynasties, certaines d'origine Peul, d'autres d'origine Malinké ou Sarakolé.

La première dynastie, celle des Dyago, se serait installée dans le Tekrour vers le IXe siècle et aurait gouverné pendant 130 ans environ. Les traditions insistent sur l'existence d'un peuplement autochtone, typiquement noir, proche des Serer, qui aurait accueilli cette aristocratie conquérante, venue avec son bétail, peut-être de l'Assaba mauritanien. Elle aurait régné durant la dernière époque de l'Empire de Ghana.
    La seconde dynastie, celle des Manna, se serait étendue sur environ trois siècles, jusque vers 1300, et semblerait issue d'une famille sarakolé venant du sud-est (région de Nioro, au Soudan). Certains dirigeants se seraient convertis déjà à l'Islam, sous l'influence sans doute du prosélytisme almoravide.
    A cette époque, le Fouta-Toro n'aurait pas été toujours indépendant et aurait notamment été dominé par le Kaniaga (royaume de Diara).

C'est en réaction contre leur autoritarisme islamique qu'ils auraient été renversés et remplacés par une troisième dynastie, celle des Tondyon, issus, semble-t-il, d'éléments serer et mandingues. Cette dynastie, peu marquée par l'Islam, au moins dans ses débuts, gouverne le Fouta entre 1300 et 1400, à l'époque où l'Empire du Mali conserve encore son influence.

La quatrième dynastie aurait regroupé plusieurs familles dirigeantes pendant le XVe siècle, les Lam-Termès, les Lam-Taga et les Lam-Toro.

Tous d'origine peul, ils vivaient plus ou moins sous la dépendance du royaume de Diara, sans doute en plusieurs Etats, dont l'un correspondait approximativement, comme l'indique le nom de la dynastie, au Toro.

C'est probablement vers le milieu du XVIe siècle qu'intervient dans l'histoire toucouleur un grand guerrier, d'origine à la fois peul et mandingue, Koli Tenguéla, qui va apparaître comme le grand unificateur du pays, le fondateur d'une dynastie longue de près de trois siècles.
    Le Fouta restait sous la domination du royaume de Diara, qui lui-même était passé sous l'influence de l'Empire de Gao, échappant ainsi à la suzeraineté malinké. Poussé par le roi du Mali, Koli Tenguéla aurait cherché d'abord à rétablir les liens politiques entre le Diara et le Mali, puis, guerroyant pour son propre compte, aurait fini par imposer son pouvoir au Fouta-Toro et par faire reconnaître son indépendance. Koli était fils naturel ou adoptif du Peul Tenguéla, lequel, ayant été vaincu par un prince de Gao, s'était réfugié dans le nord-ouest du Fouta-Djalon, dans une région sous influence malinké. De là, Koli remonta vers le Tekrour, conquit le pays et porta la guerre aussi bien contre le Diara que contre les Mandingues du Bambouk, puisque le voyageur portugais  Joao de Barros fait allusion à une demande d'assistance sollicitée par ces derniers contre Koli (1534). Enfin, il agrandit son domaine vers l'ouest, aux dépens de l'Empire du Dyolof, en guerre alors contre le Cayor qui faisait sécession.
    Koli Tenguéla donna naissance à la dynastie des Deniankobé, qui gouverna le Fouta-Toro jusqu'en 1776. Vers 1776, un marabout, Suleyman Bal, fomente une révolte dans le groupe musulman, renverse le dernier chef denianké Sulé Bubu, est élu chef du Fouta, mais se désiste en faveur d'un autre marabout, guerrier valeureux, Abd-ul-Kadir. Ce dernier porte la guerre religieuse au Cayor, mais se fait battre par le damel (roi) du Cayor de l'époque. Une expédition contre les Maures du Trarza devait lui apporter de plus heureux résultats. Fondateur de ce nouveau gouvernement théocratique, Abd-ul-Kadir devait mourir en 1804, à la suite d'un complot fomenté dans son pays même.

LES ROYAUMES DU SINE ET DU SALOUM

LE PAYS SERÈRE

    Formé de deux royaumes, le Sine (Sinn) et le Saloum, il se situe entre le Baol et la Gambie. Le Sine s'étend depuis la côte, de Joal jusqu'à la pointe de Sangomar, entre le Baol et le Saloum, jusqu'aux environs du 16e degréde longitude. Le Saloum, depuis l'estuaire du fleuve du même nom jusqu' à Kafrine, et depuis les environs de Guinguinéo, au nord, jusqu'au Rip au sud.

Les deux royaumes serèr : le Sine et le Saloum

    La grande masse serèr aurait pour berceau la vallée du Sénégal, le Foula- Toro, qu'elle aurait abandonné vers le XIe-XIIe siècle, refusant d'embrasser l'Islam. Elle serait donc apparentéeaux Peul et aux Toucouleur, et par vagues successives serait descendue vers le Sine, en suivant le fleuve, où des témoignages archéologiques de cette migration subsistent. Là, elle aurait trouvé une première installation de Socé, d'origine mandingue, en peuplement lâche, qu'elle aurait assimilés progressivement. Ces premiers Socé, concentrés près de Dïakhao, semblent avoir été surtout des chasseurs.
    C'est au début du XVe siècle qu'intervient une troisième migration, Socé toujours, mais conquérante cette fois, venue du Gabou (au nord-ouest du Fouta-Djalon). Ils constituent ce qu'on a appelé plus tard l'aristocratie guelwar, apportant au pays une organisation étatique qu'il ne connaissait pas jusqu'alors. Ils s'allièrent avec les Serèr et formèrent deux dynasties, l'une qui s'établit dans le Sine, d'abord à M'Bissel, puis à Dïakhao, fondée par Maïsa Wali Dione, premier chef du Sine ou Bour Sine, l'autre qui s'installa dans le Saloum, vers la fin du XVe siècle, avec M'Begane N'Dur, premier Bour Saloum.
    Les premiers souverains durent secouer la tutelle des Toucouleur, qui étendaient alors leur influence jusqu'au Sine-Saloum, puis progressivement unifier sous leur gouvernement les lamane serèr. Il se constitua ainsi deux royautés organisées selon des modèles démocratiques, le souverain dépendant d'une Assemblée qui le contrôlait dans l'exercice du pouvoir.
  Le système de succession était matrilinéaire, comme dans le pays wolof mais la stratification sociale était moins nettement différenciée, le régime des castes étant peu marqué. L'aristocratie guelwar, à la diIférence des Wolof ne pratiquait guère l'endogamie, si bien que la succession matrilinéaire n'en était que mieux affirmée. Elle laissait néanmoins un rôle politique à la mère ou à la soeur du bour, appelée ici aussi linguèr.
    Les hommes libres étaient composés également de tiédo, guerriers et compagnons des guelwar, puis de la masse paysanne, comprenant également des artisans et des griots, dont la différenciation en castes n'était que faiblement marquée. Venaient enfin les captifs et les esclaves du beur.
    L'organisation politique était fondée sur un système de partages des pouvoirs entre le souverain, le grand Diaraf chef des roturiers, et le grand Farba, chef des esclaves et de l'armée. Le pouvoir de ces deux derniers dignitaires était étendu en matière administrative et judiciaire. Ils participaient avec voix prépondérante à l'élection du beur.  Un certain nombre d'autres ministres et de chefs locaux assuraient l'administration centrale et régionale.

LES NIOMINKA ET LA GAMBIE :

    Les peuples niominka des îles du Saloum, cultivateurs et pêcheurs, ont été, peut-être plus que les Serèr, marqués par l'influence socé et les émigrations en provenance du Gabou. L'origine de leurs villages remonterait vers le XVe siècle. Quant à la Gambie, elle a été soumise également à un peuplement mandingue, mais qui s'est constitué en chefferies politiques et non en Etats. Les deux plus importantes furent sur la rive nord et à l'ouest, la chefferie Barra, à l'est, celle de Baddidou.
    Dès le XVe siècle, les Portugais entrent en contact avec le chef de cette région, Bemoi, qui reçoit une éducation portugaise et chrétienne. Plus tard, les chefs de Barra et au sud, toujours sur l'estuaire, de Kombo vont multiplier leurs relations avec les Européens, dont les comptoirs sont en compétition, compétition qui, on le verra, entraînera de nombreuses guerres coloniales.

LE ROYAUME DE GHANA

    Entre le VIIIe et le XIe siècle, les textes arabes nous parlent d'un Etat puissant qui a prospéré au Soudan occidental, entre le moyen Sénégal et la boucle du Niger : le royaume de Ghana. Nul ne connaît ses origines ni ce que fut son histoire lors des premiers siècles de son existence. C'est ainsi que l'astronome Al-Fazari, énumérant les divers pays du monde, cite au passage «Ghana, le pays de l'or » (fin VIIIe), et que le géographe Al-Khwarizmi (vers 833) place une ville de Ghana sur sa mappemonde inspirée de celle de Ptolémée. Son existence est pourtant certainement antérieure à cette époque.

Les villes de Ghana et de Awdaghost.

    Le Ghana allait être le premier pays à voir les marchands méditerranéens s'installer au Soudan occidental, juste au débouché des routes de l'or aux rivages méridionaux du Sahara. D’après El-Bekri, en I068, le Ghana est un état prospère, tirant le plus clair de ses revenus du fructueux transit de l'or et des marchandises par son territoire. Deux villes principales allaient naître en cette région de contact entre les chameliers arabo-berbères et les Dioula : Ghana et Awdaghost.
    La ville de Ghana a été identifiée avec le maximum de probabilité avec les ruines de Koumbi Saleh, et Awdaghost avec celles de Tegdaoust dans le Rkiz. L’une et l’autre de ces deux villes ont fait l’objet de fouilles qui permettent de recouper les données d’El-Bekri. Un de ses souverains, le Tounka Menin, est le roi de l'or. Il peut mettre en campagne 200.000 guerriers dont 40.000 archers et El-Bekri le dit « maître d'un vaste empire et d'une puissance qui le rend formidable ». Son successeur ne saura pourtant pas empêcher les Almoravides de s'emparer de sa capitale, de piller Awdaghost en I054, et de détruire son royaume en I077 : La conquête du Maroc se poursuivit sans désemparer sous la conduite de Youssouf ibn Tachfin, fondateur de dynastie almoravide du Nord, tandis qu'Abou Bakr ibn Omar revenait vers le Sud guerroyer contre les Noirs, s'emparant en I077 de la capitale du Ghana.
    C'était la fin de cet important royaume noir animiste. Les survivants du désastre allèrent renforcer les autres royaumes sarakolé du Sud tandis que les vainqueurs installaient une domination berbère et musulmane aux frontières du Soudan, première étape de l'islamisation du pays. La ville de Koumbi n'en disparut pas pour autant et continua ses fonctions commerciales pendant un siècle et demi encore. Prise par les Soso vers I203, elle tomba vers I240 entre les mains de Soundiata, le grand souverain de l'Empire du Mali, qui dut lui donner le coup de grâce en emmenant ses artisans vers sa capitale Niani, tandis que les marchands arabo-berbères s'en allaient fonder Walata

L'EMPIRE DU MALI

Tout comme celles du Ghana, les origines du Mali sont très mal connues. Il y a de fortes chances pour que la cellule primitive de ce qui devait être l'un des plus grands Etats de l'Afrique ait débuté très modestement par être ce que l'on a appelé plus tard une chefferie, à cheval sur le Niger en amont de Bamako, vers le confluent de la rivière Sankarani, à proximité immédiate des riches mines d'or du Bouré.
    Cet Etat est donc beaucoup plus méridional que le Ghana : le I2e au lieu du I6e Nord. Il faut sans doute voir dans ce déplacement vers le sud du centre de gravité de l'Empire la volonté de prendre ses distances par rapport aux nomades sahariens qui avaient si efficacement ruiné Ghana. Le chameau, sans être totalement absent sous cette latitude assez basse, ne peut y venir qu'en saison sèche et n'y survit pas ; le cheval aussi y est rare à cause de la trypanosomiase. Les souverains du Mali, très sagement, n'ont pas cherché à rapprocher leur capitale des turbulents Sahariens. et n'avaient donc rien à craindre des guerriers désarmés car dépourvus de leurs montures traditionnelles.
    Le premier à nous parler du Mali est une fois de plus El-Bekri. Il nous parle de l'édifiante conversion à l'Islam du roi de Malal au milieu du XIe siècle .Le Mali dut couler une existence paisible au XIIe, continuant à fournir l'or du Bouré et les esclaves des tribus païennes du Sud aux commerçants arabo-berbères du Sahel et il faut arriver au début du XIIIe pour apprendre du nouveau.
    Le Mali était alors gouverné par le roi Naré-Famaghan, s'il faut en croire la tradition orale mandingue codifiée par les griots de Kiela entre autres, et ses douze fils devaient lui succéder. Mais son suzerain, le roi de Soso (qu'il ne faut pas confondre avec les Soussou de Guinée), élimina successivement onze d'entre eux, ne laissant la vie sauve qu'au dernier, Soundiata, dont la santé chancelante - il paraît avoir été paralysé lors de ses premières années - l'amenait à penser qu'il n'avait rien à craindre de cet enfant chétif. Le jeune prince guérit, grandit et sut grouper des forces armées destinées à s'opposer un jour à l'oppresseur de son peuple et de sa famille. Il semble bien qu'il ait eu, outre un génie guerrier indiscutable, des pouvoirs magiques dont il sut se servir lors de l'affrontement contre son rival Soumangourou, à la bataille de Kirina, vers 1235. Il remporta là une victoire décisive.
    Soundiata sut en profiter. Il annexa tous les pays qui formaient le Soso, y compris l'ancien royaume de Ghana, et, secondé par de bons généraux et certainement doué de qualités d'organisateur, il sut fonder un empire qui s'étendit au loin dans la boucle du Niger et englobait à l'ouest les placers aurifères du Bouré et du Galam.
    Il semble bien que ce soit lui qui ait établi sa capitale à Niani, qui n'est plus aujourd'hui qu'un modeste village sur le Sankarani en Guinée, juste à la frontière de l'actuelle République du Mali. C'est là que la tradition le fait mourir noyé vers 1255. Comme bien souvent en -histoire, à un grand roi succèdent d'autres plus ternes et c'est précisément ce qui arriva au Mali après la mort du fondateur de l'Empire. Plusieurs de ses fils lui succédèrent : Ouali (vers 1255-vers 1270), qui fit le pèlerinage de La Mecque sous le sultan mamelouk Ed-Daher Bibers (I260-1277), Ouati (vers I270-vers 1274), puis Khalifa (vers 1274-1275), qui était faible d'esprit et prenait son plaisir à tuer les passants à coups de flèches : un soulèvement populaire en débarrassa le Mali.
    Le trône passa ensuite à un petit-fils de Soundiata, Abou Bakr (vers 1275-1285). De tous ces souverains, nous ne savons pratiquement rien d'autre que le fait qu'ils ont existé et encore, uniquement grâce à l'historien Ibn Khaldoun, qui a pris le soin de consigner dans un trop court chapitre de sa célèbre Histoire des Berbères un résumé des annales du Mali. Un usurpateur, affranchi de la famille royale, Sakoura, un général victorieux, n'eut pas de peine à s'emparer du pouvoir, qu'il conserva de 1285 à I300 environ. Les faibles descendants de Soundiata, qui ne faisaient pas honneur à leur grand ancêtre, ne durent pas pouvoir s'opposer à ce coup d'Etat qui dut recevoir l'appui de tous ceux qui gardaient la nostalgie du célèbre fondateur de l'Empire.
    Sakoura sut d'ailleurs étendre encore la puissance du Mali et ses armées s'étaient emparées de tout le pays entre l'Atlantique vers la Gambie et la région de Gao comprise. Immense empire, très puissant, où régnait la paix, ce qui amena les marchands méditerranéens à y intensifier leur commerce. Son pouvoir était assez fermement établi pour qu'il ait pu s'éloigner afin de faire le pèlerinage; il fut tué au retour, vraisemblablement chez les Tadjowa (Dadjo de l'est du Tchad).
    Les descendants de Soundiata purent alors ressaisir le pouvoir : son fils Gao (vers I300-I305) et le fils de ce dernier, Mohammed ibn Gao (vers I305-I3I0), puis son neveu Abou Bakr II (vers I3I0-I3I2) complètent la série des empereurs falots cités par Ibn Khaldoun, dont on sait seulement qu'ils ont régné...
    Toutefois, grâce à Al-Omari, qui écrivait vers 1337, nous savons qu'Abou Bakr II, désirant connaître les limites de l'Océan, y lança une expédition de 200 pirogues, qui dut partir vraisemblablement de la Gambie et dont une seule revint après avoir vu périr toutes les autres. Ne voulant pas croire le survivant, le souverain fit équiper 2 000 pirogues et s'élança à son tour, laissant le pouvoir à son fils, le futur Kango Moussa. Nul ne revint : il ne pouvait en être autrement. La voile était inconnue sur ces rivages avant l'arrivée des Portugais; les infortunés durent se perdre en haute mer, épuisés, faute de vivres et d'eau, sans avoir pu accomplir un bien grand trajet avec leurs inefficaces pagaies. Saluons au passage avec sympathie la curiosité géographique qui coûta la vie à l'empereur mandingue; le nom d'Abou Bakr II est à ajouter au martyrologue de la découverte maritime et il est sans doute le seul souverain du monde à y figurer...
    Voici donc, vers I3I2, le fils d'Abou Bakr II, Kango Moussa, plus connu sous le nom de Mansa Moussa, au pouvoir. Son règne et celui de ses deux successeurs vont marquer l'apogée du Mali. Les conquêtes du fondateur Soundiata, consolidées par celles de Sakoura, ont groupé sous l'autorité directe ou indirecte du Mali la majeure partie des pays de la savane, de l'embouchure de la Gambie aux approches des Etats haoussa : les tribus touareg du sud du Sahara, les peuples des régions aurifères, tout comme les grands vassaux soninké ou songaï et les villes commerçantes du Niger, obéissent au souverain de Niani. Seuls sauront se maintenir indépendants, malgré des guerres incessantes et les pressions économiques, les Etats mossi, réfractaires à l'Islam, les Dogon accrochés à leur falaise inaccessible et les peuples des régions du Sud, protégées de la cavalerie mandingue par la mouche tsé-tsé.
    Le seul fait du règne de Mansa Moussa (1312-1337) sur lequel nous possédions des renseignements est le pèlerinage qu'il effectua en 1324 à La Mecque. Tous les auteurs arabes, d'Al-Omari à Maqrizi, en passant par Ibn Battouta et Ibn Khaldoun, sans compter Léon l'Africain et les Tarikh soudanais, nous fournissent des détails sur ce fastueux voyage qui a vivement frappé l'imagination des contemporains et particulièrement des Cairotes. Le souverain malien emportait avec lui en effet quelque I0 à 12 tonnes d'or pour défrayer ses dépenses de voyage et il fit son entrée au Caire précédé de milliers d'esclaves richement vêtus portant chacun un lingot. Cet énorme afflux d'or en fit baisser le cours par rapport à l'argent pendant de nombreuses années dans le Proche-Orient.  Nous sommes également renseignés sur sa rencontre avec le sultan d'Egypte, sur les cadeaux qu'ils se firent réciproquement, sur les achats que fit sa suite au Caire, les dons faits aux villes saintes d'Arabie.
    Moussa revint dans son pays avec une suite d'érudits, d'artistes, d'hommes pieux, de juristes et de commerçants qui établirent de solides liens économiques et culturels entre l'Egypte et le Mali, qui bénéficièrent à l'un et à l'autre pays. De cette époque datent la naissance du centre culturel de Tombouctou, qui devait fournir ses cadres à tout le Soudan nigérien aux XVe et XVIe siècles, et l'implantation d'un style de construction adaptant les normes méditerranéennes au milieu soudanais. Heureux temps et heureux pays !
    Mansa Maghan succéda à son père et eut un règne assez bref (1337-I34I), au sujet duquel nous ne savons pratiquement rien, Ibn Khaldoun seul lui consacrant trois brèves lignes. Vint ensuite Mansa Souleiman, frère de Mansa Moussa, qui régna 24 ans (vers I34I-I360). C'est lui que rencontra le voyageur marocain Ibn Battouta, qui parcourut le Mali en 1352-1353. Grâce à cet écrivain, nous sommes relativement bien renseignés sur Souleiman et le Mali au milieu du XIVe siècle. Nous évoquons ainsi la vie de la cour, les fêtes religieuses encore teintées de coutumes africaines, les réceptions royales. Mais par ailleurs, le voyageur nous entretient - trop brièvement à notre gré - des pays qu'il a traversés, où règne une paix absolue qu'auraient pu lui envier la majeure partie des Etats européens contemporains. Malheureusement, ses indications géographiques sont vagues, à telle enseigne que, malgré son long séjour dans la capitale, il n'a donné aucun renseignement pouvant servir à l'identifier. Ibn Battouta ne ménage pas Mansa Souleimad, qu'il accuse d'« avarice » : traduisons plutôt qu'il ne pratiquait pas la folle prodigalité de Mansa Moussa et était plus soucieux que son frère de la gestion des deniers de son empire...
    La décadence du Mali va commencer à la mort de Souleiman : son fils Kassa eut un court règne de 9 mois (vers I360) et le pouvoir échut alors à Mari Diata II, fils de Mansa Maghan. Son règne de 14 ans (vers I360-1374) a laissé un mauvais souvenir : le peuple était écrasé d'impôts ; il se comportait en tyran et il dépensa le trésor de l'Etat en « débauches et en folies de tous genres », selon Ibn Khaldoun. Son fils Moussa II (vers 1374-1387) « évita de suivre les errements de son père et travailla à procurer au peuple les avantages de la justice et d'une bonne administration », selon le même. Mais c'était son grand vizir Mari Diata qui avait la réalité du pouvoir : la grande période des empereurs du Mali était déjà révolue.
    Des derniers souverains, nous n'avons que de très brèves mentions d'Ibn Khaldoun : Magha II (vers 1387-1389), frère de Moussa II, l'usurpateur Sandaki (vers 1389-I390) et Magha II sont les derniers connus. Avec l'auteur de « l'H istoire des Berbères » s'arrêtent les sources qui les concernent et, assez curieusement, les Tarikh, d'inspiration songaï, sont pratiquement muets sur les souverains maliens du XVe siècle. L'anarchie détermina l'éclatement de l'Empire. Les vassaux se déclarèrent indépendants, comme le Songaï, tandis que le pays était envahi : les Mossi pénétrèrent jusqu'au lac Débo vers I400 et tout le sud du Sahara passe aux Touareg vers 1433. A la fin du XVe, après les attaques des Songhaï le Mali est réduit aux pays de l'Ouest, du Niger à l'Atlantique, sur les rivages duquel viennent d'arriver les Portugais.
    La décadence s'accentue aux XVIe-XVIIe et, bientôt, les Bambara de Biton Coulibaly mettront fin à l'Empire séculaire. Les Keita seront réduits au domaine qui fut le berceau de leur dynastie, vers la région de Kangaba-Niani mais les griots mandingues sauront conserver le souvenir du grand Empire mais plus particulièrement de son prestigieux fondateur, Soundiata, s'ils restent pratiquement muets sur ses successeurs...

L'EMPIRE SONGHAÏ

    Le relais du Mali devait être pris par le Songaï. Ses origines sont fort modestes, comme celles des empires qui l'ont précédé. Il faut les rechercher, en les interprétant comme l'a fait J. Rouch, par l'ethnologie et la sociologie africaines.

Dans la région de Koukia sur le Niger, en aval de Gao, vivaient des Songaï partagés en pécheurs, les Sorko, et en chasseurs, les Gow, gouvernés par un chef-prêtre, un kanta du clan Faran qui possédait l'autorité religieuse sur l'ensemble. Un génie de l'eau - un poisson monstrueux - tyrannisait le pays. Un étranger venu, dit la légende, du Yemen, tue le poisson et s'empare de la chefferie, fondant la dynastie des Dia. Le centre du petit Etat est situé à Koukia.
    Une quinzaine de Dia animistes se succèdent avant la conversion à l'Islam vers l'an 1000. L'ancienne capitale est alors abandonnée au profit du Gao, bien mieux située au débouché sur le Niger de l'une des plus importantes voies commerciales transsahariennes, celle qui emprunte la vallée du Tilemsi. Son climat plus sec convenait mieux aussi aux commerçants méditerranéens que Koukia, plus méridionale, qui devait rester cependant le lieu d'investiture des Dia, laquelle devait comprendre des rites animistes qu'il valait certainement mieux cacher aux marabouts de Gao. Cette dernière comprenait, tout comme sa contemporaine Ghana, deux villes distinctes, l'une pour le roi et sa suite, Sané, à proximité de laquelle ont été trouvées des stèles royales datées du XIIe siècle, et l'autre, Gao ancien, située au confluent du Tilemsi dans le Niger, réservée aux marchands. Le trafic du sel saharien était à la base du commerce; il y embarquait sur le Niger vers l'aval et surtout l'amont, où les Sorko avaient le monopole des transports fluviaux vers les centres liés aux marchés de l'or et des kolas.
    Nous sommes peu renseignés sur les siècles qui se sont écoulés entre l'islamisation vers l'an 1000 et l'arrivée au pouvoir de la dynastie des Sonni au XIIIe siècle, comme contrecoup de l'expansion mandingue. L'aîné, Ali Kolon, sut astucieusement, tout en feignant la plus grande loyauté envers son suzerain forcé, se rapprocher du Songaï'et s'enfuit au moment propice avec son frère vers son pays. Il se fit nommer roi, prit le nom de Sonni et libéra du joug malien une partie du Songaï, vraisemblablement la région d'aval avec Koukia, le berceau de la dynastie, hors de portée de ses adversaires. Les premiers Sonni font peu parler d'eux : la puissance mandingue était à son apogée et la plus grande partie du pays, dont la capitale Gao, sous domination malienne.
    Les Sonni se préparent et attendent leur heure, guettant la décadence du Mali, fort accentuée déjà à la fin du XIVe. Vers 1400 Sonni Madogo met la capitale du Mali à sac. Mais il fallut attendre la seconde moitié du XVe pour voir le Songaï surclasser puis abattre son rival. Ce fut le rôle de Sonni Ali (1464-1492) qui sut, d'un petit royaume centré autour de Koukia, en faire un empire qui devait être le plus grand état qu'ait connu l'Afrique tropicale médiévale.
    Nous ne connaissons Sonni Ali que par le portrait qu'en ont dessiné ses adversaires, les pieux rédacteurs des Tarikh. Ils le dépeignent comme débauché, impie, tyrannique, persécuteur des musulmans mais d'autre part font fièrement ressortir qu'il fut toujours victorieux et que « lui présent, aucune de ses armées ne fut mise en déroute : toujours vainqueur, jamais vaincu », nous dit le Tarikh el-Fettach.  En réalité, Sonni Ali ne devait pas être plus mauvais ni moins recommandable que bien d'autres souverains du Mali et même que les Askia qui lui succédèrent : il avait eu le tort de s'attaquer à la caste intouchable des lettrés musulmans de Tombouctou. L'on comprend du coup que ces derniers ne l'aient guère ménagé. Tous les commentateurs modernes s'accordent à faire de lui un grand roi, l'un des plus prestigieux qu'ait connu l'Afrique noire. Il a été non seulement un guerrier vainqueur mais aussi, un organisateur, un administrateur et un habile politique qui sut voir loin. Il avait fort bien perçu les dangers qui menaceraient son pays et avait cherché à les éliminer ou à les diminuer : les Touareg, les Peul, le Mali, l'Islam. L'avenir ne devait que trop lui donner raison... Ses campagnes militaires lui firent acquérir, en battant les Touareg, Tombouctou et toute la boucle du Niger. Vainqueur des Bariba du Borgou, des Peul, des Gourmanché, des Dogon et autres, il étendit sa domination dans tout le cours moyen du Niger et à sa mort, - il se noya en 1492 au retour d'une de ses expéditions - son empire allait du Dendi à Mopti, éclipsant de loin le Mali moribond.
    Pour administrer le pays, il plaça à la tête des diverses provinces des représentants sûrs, organisa la flottille songaï en un puissant moyen de liaison et de transport, d'autant plus nécessaire que l'Etat était axé sur le Niger; il creusa des canaux d'irrigation et de communication et sut maintenir d'une poigne ferme les diverses régions de l'Empire. A sa mort en 1492, son fils Sonni Baro, chef du parti antimusulman comme son père l'était, lui succéda. Mais il n'en avait pas l'étoffe et eut à affronter de suite la fraction pro-islamique de son armée, ayant à sa tète un des généraux de son père, le futur Askia Mohammed. Les deux rivaux en vinrent aux mains et ce fut ce dernier qui l'emporta (1493). Sonni Baro s'enfuit à Ayorou en aval de Koukia, y constituant avec ses fidèles le noyau du Dendi. Avec l'accession au pouvoir de l'Askia Mohammed, qui, d'ailleurs, était probablement, lui aussi, apparenté aux Sonni, bien que les Tarikh cachent cette « tare », commence une nouvelle période pour le Songaï. L'Askia prit au point de vue politique et religieux le contrepied de l'attitude de son prédécesseur : l'Islam et le parti des lettrés de Tombouctou sont de nouveau à l'honneur et au pouvoir et, c'est parmi eux qu'il choisit ses conseillers.
    Pour mieux asseoir son prestige, il fit dès le début de son règne le pèlerinage à La Mecque (1496-1497), se faisant investir comme khalife pour le « Tekrour ». Nous sommes fort bien renseignés sur cette période par le Tarikh el-Fettach. Au point de vue militaire, l'Askia continua la politique de conquêtes de son grand prédécesseur, faisant la guerre « sainte » aux infidèles du Sud, mais bataillant aussi contre le Mali musulman et les Peul à l'ouest et annexant la majeure partie des Etats haoussa à l'est. Le Songaï avait vers 1516 une étendue énorme : tout l'Ouest africain des savanes lui appartenait directement ou indirectement, par vassal interposé, des approches du Tchad au Sénégal - seul, le Bornou avait échappé de justesse à l'emprise de l'Askia - et il était obéi des salines de Teghaza en plein Sahara jusqu'aux abords de la Forêt. C'était, tout comme Sonni Ali, un grand organisateur aussi et il aurait pu unifier le Soudan si, comme tous les conquérants, il n'avait abusé de sa puissance sans songer au lendemain...
    Nous ne le connaissons pratiquement que par les Tarikh, qui ne tarissent pas d'éloges à son sujet; mais un témoin, Léon l'Africain, a parcouru ses Etats à l'apogée de sa puissance. Les faits qu'il nous rapporte sont loin des apologies des thuriféraires de l'Askia. Ce dernier a été d'une extrême dureté envers l'ennemi vaincu, tuant les souverains, emmenant les populations en esclavage ou les écrasant d'impôts, châtrant les princes, empoisonnant les chefs, en internant d'autres ; partout, il ne manquait de laisser des intendants chargés de récolter le tribut. L'on devine les haines accumulées et combien grand devait être le désir de revanche des populations ainsi décimées et humiliées. L'Askia Mohammed ne sut pas pratiquer la politique de douceur, de compréhension et d'assimilation qui lui aurait attaché les provinces allogènes. Le Songaï, colosse aux pieds d'argile, ne pouvait pas survivre bien longtemps : le seul lien effectif de l'Empire était la force desarmées de Gao et la crainte qu'elles inspiraient.
    Les revers commencent avec les révoltes de provinces lointaines et l'Askia, presque aveugle, âgé de 86 ans en 1529, est déposé par l'un de ses fils, Moussa; il devait mourir en 1538, âgé de 95 ans. Il fut enterré à Gao dans une mosquée de terre crue dont le minaret pyramidal est encore connu sous le nom de « tombeau de l'Askia ». Après sa déposition en 1529, son fils Moussa régna 2 ans, remplacé par son neveu Mohammed Bounkan (1531-1537), qui fut détrôné par un autre fils du grand Askia, Ismaël (1537-1539). Le frère de ce dernier, Ishaq, lui succéda (1539-1549). Il sut se faire craindre de ses ennemis, faisant même régner la terreur et sut écarter les convoitises marocaines sur les salines de Teghaza. Son frère Daouda lui succéda (1549-1582). Son règne se passa à maintenir par de continuelles expéditions l'unité du Songaï. Sous son successeur El-Hadj (1582-1586), les Marocains reprirent leursattaques contre le Songaï, occupant Teghaza en 1585. Le court règne de son frère Mohammed Bani (1586-1588) fut marqué d'une longue suite d'intrigues. Le dernier Askia de Gao, Ishaq II (1588-1591), devait voir la fin du grand Empire, en grande partie de sa faute, d'ailleurs : il ne sut prévoir puis écarter la menace marocaine qui se précisa en 1590 avec l'expédition du pacha Djouder, dont il avait pourtant eu connaissance, puisqu'il donna aux Touareg sous sa domination l'ordre de combler les puits sahariens. Le fait que les Marocains possédaient des armes à feu - encore une imprévoyance de l'Askia, le sultan du Bornou en avait déjà à la même époque - ne suffit en effet pas à expliquer l'écrasante défaite de Tondibi en 1591.
    L'Askia, mauvais guerrier, imprévoyant, avait en outre près de lui, comme le signale J. Rouch, un « chapelain », son Alfa, certainement acheté par les Marocains, qui lui fit tourner bride dès la première fusillade, transformant un simple incident de bataille en déroute. Sonni Ali ou l'Askia Mohammed avaient eu une autre trempe guerrière et d'autres dons politiques...
    Plus que les fusils de Djouder, ce sont les facteurs politiques et économiques qui ont occasionné cette défaite. Les provinces extérieures, annexées après des guerres sanglantes, durement traitées, loin de soutenir le pouvoir central, n'attendaient que l'occasion de secouer le joug.

Il s'y ajoutait aussi des difficultés économiques : l'arrivée des Portugais sur les côtes, surtout à partir de la fondation du fort de La Mine en 1482, allait détourner vers la mer les routes de l'or et des esclaves. La récession qui s'ensuivit, jointe à l'incertitude decertaines routes transsahariennes soumises au pillage des Arabes, à la perte des salines de Teghaza prises par les Marocains, privant le Songaï de sa principale monnaie d'échange pour obtenir l'or du Sud (il dut y avoir un certain flottement entre l'abandon de la grande saline et le début de l'extraction du sel de Taoudeni), tout cela mettait le Songaï en mauvaise posture pour acheter les chevaux maghrébins nécessaires à sa cavalerie, payer ses troupes et ses alliés. Le peu d'empressement des Touareg à empêcher le passage de Djouder ne s'expliquerait-il pas en grande partie par des questions d'arriérés de solde et de « coutumes » ?  Le résultat brutal de Tondibi fut la fin du Songaî et aussi des grands empires du Soudan médiéval. A dix siècles de paix (relative, bien sûr) et de prospérité allait succéder une longue période d'anarchie qui durera jusqu'à la fin du XIXe siècle.
    Les Marocains ne surent pas en effet prendre la succession des Askia, mais se bornèrent à gouverner Gao et Tombouctou et à assurer les communications vers Dienné, luttant continuellement contre les Touareg pillards, puis contre les Peul et les Bambara. Ils se fondirent d'ailleurs dans le reste de la population pour former le groupe des Arma, qui a subsisté jusqu'à nos jours. Cette période des grands empires est l'une des pages les plus belles de l'histoire de l'Ouest africain. Non seulement leur renommée s'étendait au loin, auréolée de tous les prestiges des pays de l'or - l'économie mondiale a largement vécu sur l'apport soudanais de l'indispensable métal jaune avant la découverte de l'Amérique -, mais, au point de vue strictement africain, une civilisation de valeur s'était épanouie sur les rives du Niger, dont le souvenir ne s'est pas perdu. Aussi n'est-il pas étonnant que, sur les trois grands noms de Ghana, Mali et Songaï, deux aient été ressuscités pour nommer des républiques indépendantes ouest-africaines.

La Colonisation

The French left their mark on the landscape of Senegalese cities. The coastal towns particularly, harbored some of the most well preserved colonial buildings in Africa. For example, the monumental neoclassical government house built in Dakar, is the current residence of the President, and is a major tourist attraction. When the country became independent on April 4, 1960, it maintained strong ties with France. Since then, it has enjoyed a remarkable stability and a democratic regime, despite some upheavals and poor economic performances.